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Ce n’est pas pour autant que l’élève se comprend lui-même !
Tirer une « bonne » leçon d’une erreur commise consiste à ne plus la commettre, mais tel n’est pas le but des cours particuliers ; voyez !
- Pourquoi un enseignant qui ne réussit pas à faire comprendre un sujet du programme à un de ses élèves, en classe, le réussirait-il lors d’un cours particulier ? Et donc, pourquoi ce jeune apprenant le comprendrait-il mieux entre « quat’zyeux et quatr’oreilles », qu’en classe ?
- Mais parce qu’il n’a pas d’autres problèmes, que c’est ponctuel, qu’il a été absent, ou qu’il a changé d’école, par exemple. Quand un simple rattrapage est nécessaire. Sinon, un tel enseignement ne se justifie pas sur le plan cognitif, l’apprenant risque de devoir en prendre pour des mois, voire des années ; en parallèle, il apprendra aussi que pour cette matière, il ne peut se passer d’un aidant, il se sentira de plus en plus incompétent pour l’étudier, seul.
- Pourtant je connais beaucoup d’étudiants qui suivent des leçons particulières régulièrement tous les ans.
- Pourtant, le taux de redoublements, de décrochages s’avère très élevé, alors que la leçon particulière payante existe depuis toujours ; c’est vrai aussi que les remédiations gratuites proposées dans les écoles depuis quelques années déjà n’y changent rien, non plus.
- Donc la leçon particulière « n’arrange rien ».
- Pire que ça, si un jeune en suit régulièrement, elle devient contre-indiquée, car elle renforce son sentiment d’incompétence dans la matière concernée, tout en ne remettant pas en question son enseignement par l’école. Beaucoup d’élèves qui doublent à cause des math, des sciences, du néerlandais ont suivi des cours particuliers, avant.
D’ailleurs, j’ai eu en consultation un jeune homme qui terminait ses secondaires avec l’option 8h de math, dans une école dite élitiste. Ils étaient une dizaine d’élèves dans sa classe. Le professeur de math leur imposait un enseignement tellement difficile que 8 d’entre eux suivaient des cours particuliers sous peine de rater les contrôles. Lui ne le voulait pas, il voulait améliorer sa façon de répondre aux exigences du professeur. Ce professeur coûte cher à ses élèves et leurs parents, mais réussir chez lui est le must ! C’est une question de culture scolaire, de demande implicite des familles de ces enfants. Elles veulent que leur rejeton soit le fruit d’une sélection bien dure, elles en seront fières, et le feront savoir.
- Mais c’est absurde !
- Pas vraiment, cela suit une logique de sélection. Le jeune suit ces cours pour s’adapter à l’exigence scolaire principale, c’est-à-dire gagner plus de points, ce qu’il ne réussit pas, la plupart du temps. Quant aux exigences scolaires, aucune chance qu’elles s’assouplissent ou se soucient de plus respecter les ressources d’apprentissage du principal usager de l’école, l’élève.
Si l’enseignant super exigeant dont je viens de parler se montrait plus souple, soucieux de développer une pédagogie positive, que pensez-vous qu’il se passera ?
- Eh bien, les élèves se sentiront soulagés.
- Ou alors, les parents et même les étudiants traiteront l’école de nivellement par le bas. Apprendre sans souffrir, c’est l’échec de l’enseignement, dans notre culture scolaire.
- Mais c’est aux dépens des élèves !
- Je ne dirais pas ça comme ça, l’apprenant peut apprécier la relation particulière de ce type de cours. Un professeur pour lui tout seul, il peut réaliser que c’est une personne accessible, qui le rassure sur ses compétences intellectuelles : « C’est bien, tu as bien travaillé, ça devrait aller, tu as compris la matière. »
- Mais alors pourquoi ça ne « marche » pas mieux ?
- Il n’y a pas de raison que « ça « marche », puisque c’est toujours le même enseignement frontal suivi de la même évaluation sommative. C’est une pédagogie qui engendre la majorité des échecs, depuis au moins les années 60. Pas de psychologie ou pédagogie positive ou collaborative à l’horizon. Et les donneurs de leçons particulières y trouvent leur compte. Ce sont (trop) souvent les enseignants qui mettent les élèves en échec, qui donnent les leçons particulières. À leur salaire s’ajoutent de beaux suppléments parfois très importants, ils gagnent sur les deux côtés.
- Il n’y a pas d’espoir, alors ?
- Si, quand même, grâce aux enseignants qui promeuvent plus l’approche collaborative, la pédagogie plus ouverte, l’évaluation formative.
Actuellement, la différence entre ce que l’école offre comme programmes scolaires, comme didactiques (façon d’enseigner du professeur) et évaluations, et ce que la vie « réelle » exige pour qu’on s’y adapte devient tellement vaste qu’un changement profond, salutaire s’avère probable. En consultation, plus que jamais, nous rencontrons des familles déçues, fâchées, choquées par les comportements négatifs, peu compréhensifs, voire nuisibles, que leurs enfants subissent à l’école, notamment les parents d’origine étrangère peu habitués à notre culture scolaire.
Aujourd’hui, comme hier, c’est le filet de sécurité familial qui protège et soutient l’élève, pas l’école, elle prête surtout aux riches. Les remédiations gratuites organisées au sein des écoles ne changent rien au nombre très élevé d’échecs ou de décrochages scolaires.
- En attendant, comment aider les enfants en échec dans un cours ?
- En l’aidant à se comprendre lui-même, à saisir ses façons d’étudier, de mémoriser, d’appliquer, ou de comprendre une matière, à bien s’évaluer. C’est le domaine de la métacognition (voir les références URL ci-dessous). Peu d’enseignants la pratiquent, leur formation est pauvre en psychologie des apprentissages, en pédagogie adaptée aux dys, ou autres difficultés, surtout ceux qui ont une formation universitaire, ils sont très peu préparés à « faire apprendre ». L’essentiel des programmes scolaires ne respecte pas les différences entre les ressources d’apprentissage des élèves et pour cause, ceux qui les écrivent ne respectent pas la psychologie du développement et des apprentissages. Par ignorance?
- Donc pour le moment, le jeune, pour assumer son métier d’élève, doit surtout compter sur lui, et sa famille, de ses 6, à 18 ou 20 ans.
- Oui, ça vaut mieux pour lui ! Il est très difficile pour un enseignant qui a fait sa scolarité dans notre culture scolaire de ne pas reproduire ce qu’il a vécu, de sortir du moule, la majorité de ses collègues ne l’y aideront pas, quant à la direction ou l’inspection, c’est peine perdue. Les enfants des familles favorisées sur un plan socio-économique ou culturel ont tendance à bénéficier d’un meilleur à priori et surtout d’un filet de sécurité familiale très attentif, protecteur. Ceci est la plupart du temps beaucoup moins le cas pour les enfants de familles défavorisées, faute de moyens suffisants.
Articles qui complètent et étayent notre propos :
- Les devoirs et les leçons (métacognition): Méthode de travail, devoirs et leçons, planifier, etc. https://centredereussitescolaire.be/2021/09/26/les-devoirs-et-les-lecons-autant-les-faire-a-sa-facon-tout-en-lameliorant-peut-etre/
- Évaluation INDIVIDUALISÉE d’un élève en difficulté pour les usagers de l’école, parents ou professionnels. https://centredereussitescolaire.be/2022/02/25/un-e-eleve-se-plaint-ou-eprouve-des-difficultes-parents-professeurs-voici-une-1ere-approche-validee-qui-peut-vous-aider-a-laider-%ef%bf%bc/
Rappel important : de très nombreux élèves restent fort fragilisés psychologiquement et pédagogiquement par les très mauvaises conditions pédagogiques vécues sur depuis mars 2020, à cela s’ajoute le très important absentéïsme professoral pendant l’année 21-22. Trop d’écoles n’ont pas tenus compte de cela et ont mis encore plus de jeunes en échec. Ce problème demeure pour 2022-2023 !
Les élèves qui sont en 2è, 3è et 4è primaire ont appris à lire, écrire et calculer dans de mauvaises conditions.
Les étudiants de 2è, 3è et surtout 4è secondaire ont entamé le secondaire dans de mauvaises conditions.
Des pans des programmes n’ont pu être enseignés dans les temps, de trop nombreux enseignants n’en tiennent pas compte.
Ces trois années scolaires, où l’élève a vu son cadre scolaire se déstructurer dans le temps et l’espace, ont éprouvé les élèves. Il ne faut pas sous-estimer la lassitude que cela a pu générer auprès des apprenants, surtout s’ils sont victimes de difficultés d’apprentissage.
One thought on “La leçon particulière, une leçon entre « quat’zyeux et quatr’oreilles »”
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