
Le monde virtuel, un Nouveau Monde directement accessible dont les frontières s’avèrent difficiles à appréhender. Un espace ouvert à des jeunes chez qui tout « est à être, à faire, à ressentir », et qui pensent surtout au présent ! Ils ont un âge où tous font le même métier : élève ; c’est-à-dire un enfant, un adolescent qui reçoit l’enseignement d’un établissement scolaire (dixit Le Robert), c’est le sujet de cet article.
« Recevoir un enseignement » induit un état de passivité plus que jamais battu en brèche par le besoin naturel de bouger tant physiquement que mentalement de ces êtres en devenir, en effet, aujourd’hui, ils vivent en plus dans un nouvel univers « potentiel », puisque virtuel, en expansion continuelle, comme l’est chaque enfant. Grâce à son smartphone, il est capable de stimuler presque tous ses sens hic et nunc (présentement). Il peut passer d’une sensation à l’autre sans limites claires, instantanément. Mais pas que ! De réels exercices ou tâches scolaires compliqués peuvent aujourd’hui être résolus rapidement et facilement avec le petit appareil en quelques clics. Illustrons-le, par cet exemple vécu où je me prends à partie.
Un adolescent en grande difficulté d’apprentissage doit résoudre un exercice de ce type :

Pour lui, comme pour moi d’ailleurs, cette fraction en soi ne veut rien dire. Toutefois, il me fait un grand sourire, photographie l’énoncé avec son téléphone et me montre une réponse juste et détaillée. Ce jeune étudiant me fit tout à coup comprendre que le monde scolaire que je connus n’existait plus « vraiment ». Son smartphone me mit KO.
Voici un tableau de comparaison simple, non exhaustif, juste destiné à vous sensibiliser à un aspect de la vie du jeune apprenant. Il présente deux systèmes que les élèves fréquentent non pas en parallèle, mais bien simultanément.
Le smartphone, symbole de ce Nouveau Monde virtuel | L’école obligatoire |
Est un système récent conçu pour évoluer sans limites et qui le fait ; son origine pouvant s’associer à la création d’internet. | Est un système qui existe depuis beaucoup plus longtemps et qui conserve à peu de choses près les mêmes limites depuis la création d’internet. |
Cette liberté d’accès est positive, elle sanctionne peu l’erreur d’apprentissage. | L’élève, ici, se voit trop souvent sanctionné quand il se trompe |
Il permet une communication peu limitée entre les personnes, mais aussi entre systèmes. | L’école limite consciemment ou implicitement sa communication hors de ses murs. |
Il plait au point de générer une réelle addiction, tant il se montre apparemment docile, facile à maîtriser, gratifiant et distrayant. | De plus en plus d’usagers de l’école s’en décrochent, ils n’arrivent plus à s’y conformer. Trop difficile ? Trop souvent répressive ou peu gratifiante ? |
Il ne valorise pas la patience souvent nécessaire à la résolution de tâches d’apprentissage, de tâches scolaires. | La patience indispensable à la recherche, à l’écoute, y est valorisée, enseignée au moins implicitement. |
Il favorise surtout les relations sociales virtuelles. | Il favorise surtout les relations sociales réelles, effectives. |
Un nouveau monde, abstrait, encore peu enseigné. Il favorise les autodidactes, il a été conçu pour cela. | Un monde concret que chacun connaît ou a connu intimement. Il favorise moins les autodidactes, il n’a pas été conçu pour cela. |
Un média aux ressources pédagogiques illimitées ou presque, pour les dys et non-dys. Il permet facilement une individualisation constructive personnelle de l’enseignement reçu, et en même temps il se montre ouvert vers tout autre apprentissage. Mais ses ressources s’avèrent fort immatérielles. | Les ressources pédagogiques sont limitées aux programmes scolaires, et fort dépendantes des enseignants. Mais elles sont bien plus matérielles, manipulables. |
C’est un système pérenne indépendant de l’école, sur lequel l’apprenant a plus de prise. | C’est un système dépendant limité par essence dans le temps, puisque lié aux heures de cours, à l’âge scolaire obligatoire c’est-à-dire de 5 à 18 ans, globalement. L’élève a souvent moins de prise sur l’enseignement qui lui y est donné (voir https://centredereussitescolaire.be/2021/07/04/si-vous-etes-pour-une-relation-collaborative-harmonieuse-constructive-et-positive-entre-les-usagers-de-lecole-obligatoire-alors-promouvez-la-pedagogie-collaborative/ ) |
Cette courte comparaison, vous l’aurez compris, étaie le besoin vital pour les élèves que leur école s’ouvre au monde extérieur. Ils y étouffent, leurs enseignants aussi. La forte hausse des décrochages scolaires et absentéismes professoraux ajoutée au taux de doublements en secondaire dans les plus élevés d’Europe le prouve sans équivoque. Le développement des remédiations, ou aménagements raisonnables mis en place ces 10 dernières années, intramuros, ainsi que les journées pédagogiques n’y change rien, sinon permettre aux causes du non-changement de perdurer. Le contenu suranné des programmes et le système d’évaluation sommatif n’ont quant à eux pas changé du tout ! Or ils s’avèrent deux des grandes causes du dysfonctionnement de notre enseignement obligatoire.
Les professionnels de ce système scolaire de plus en plus inadapté aux innovations de notre société ne sont pas en faute, il n’y a pas de faute. Ce n’est pas une question d’argent, c’est bien plus compliqué parce qu’on touche à des représentations socioculturelles bien ancrées comme : la hiérarchie entre les professionnels de l’enseignement, les rapports professeurs/élèves, l’évaluation certificative, les examens de juin, de Noël, voire de Pâques qui font partie « des meubles », la croyance que le doublement est utile, l’enseignement du latin à des enfants de 12 ou 13 ans dont la maturité cognitive n’est pas prête, de nombreuses notions sont enseignées trop tôt. Il existe aussi la croyance en la hiérarchie des options : « le général » c’est mieux que « le technique », qui lui vaut mieux que « le professionnel » ; les sciences, les maths rendent les élèves plus intelligents, les forment mieux que le sport, l’art, le social. Les parents qui ont vécu leur scolarité en Belgique francophone pour la plupart se font complices du non-changement, puisqu’ils se réfèrent à leur propre expérience.
Pourtant !
Tout le monde utilise le smartphone. Il symbolise une technologie qui nous offre l’occasion de rendre les frontières de l’école plus perméables aux changements indispensables, à l’adaptation à l’évolution de la société. Si nous le souhaitons, il peut s’avérer somme toute, un cheval de Troie pacifique et bienvenu !
One thought on “Le smartphone, un « bon » cheval de Troie, pour l’installation du Nouveau Monde qu’est Internet, dans l’école obligatoire”
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