Comprendre par soi-même malgré l’enseignement frontal

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Les examens de Noël, de juin, les gros contrôles inhérents à la fin d’un trimestre ne favorisent évidemment pas la liberté d’apprendre, le respect du rythme d’apprentissage de chacun. Un point commun fréquent à toutes les usagères et tous les usagers de l’école à cette période : fatigue, démotivation, envie de vacances. Autant réfléchir avant, à une partie personnelle de chaque apprenant : le droit, la liberté d’accéder au sens d’une situation nouvelle par soi-même, un fondement de l’autonomie, une caractéristique essentielle de l’autodidacte en nous.

S’instruire soi-même tout en fréquentant l’enseignement obligatoire nous paraît l’essence même de la vie intellectuelle, culturelle, de tout élève.

Un peu de théorie

C’est la métacognition[1] comme média de l’expression de la pensée que nous utilisons en guidance psychopédagogique depuis 30 ans. Cette forme de connaissance de soi est largement validée et fidélisée. Elle promeut la construction consciente d’une méthode de travail par l’élève qui ainsi stimule sa conscience de sa pensée, de son activité cognitive, intellectuelle.

Les neurosciences étayent son intérêt. Le sentiment de connaissance de sa mémoire par exemple (métamémoire) ne se base pas sur le même substrat cérébral que la connaissance même de l’objet intellectuel sur lequel porte notre pensée. Par exemple le sentiment de connaître le nom d’une capitale ne renvoie pas au même endroit dans le cerveau que là où se trouve le nom de cette capitale, « je sais que je connais le nom, mais je ne m’en souviens pas ! ». La métacognition se situe fort au niveau du cortex frontal et préfrontal (aire 10 de Brodmann, préfrontal antérieur). Notons qu’il semble que les sentiments « méta » peuvent aussi se situer à des endroits différents, comme le sentiment d’avoir raison qui ne se situe pas au même endroit que le sentiment de connaître un nom ; ce point est absent pour le moment de la littérature nous dit Stanislas Dehaene. Les personnes intéressées pourront suivre sa leçon magistrale : http://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2011-02-08-09h30.htm, elle nous sert avec d’autres, de référence pour soutenir notre travail thérapeutique et le contenu de cet article.

Un principe

C’est celui qui explique qui comprend, plus que celui qui écoute. 

L’explicitation d’une matière favorise la compréhension par soi-même de celle-ci et aussi en général, voici la définition et les avantages.

L’explicitation telle que nous la définissons dans notre travail consiste ici à identifier, décrire ses démarches cognitives, ses façons d’étudier, sa méthode de travail, ou à expliquer des contenus de cours dans l’intention de les faire comprendre à un autre ; le but demeure bien sûr de les maîtriser. Le plus pratique est de le faire oralement avec un tiers réel ou imaginaire, en jouant au professeur.

Comment faire ?

  • L’explicitation de la matière peut se pratiquer seul, ou avec l’appui d’un condisciple (à tour de rôle) ou d’une personne plus âgée.
  • De mémoire, puis à l’aide des notes. Après un temps de préparation mentale, de mémoire, l’élève explique un sujet à maîtriser pour que l’autre l’assimile sans effort. La mise par écrit de mots ou d’idées clés avant ou pendant l’exposé soutient efficacement la pensée. L’aidant essaie de ne pas interrompre l’apprenant même s’il commet des erreurs. Ensuite, le jeune vérifie son explication, seul, en se référant à la théorie (le cours, un livre, internet, etc.). L’aidant peut alors lui demander de justifier l’un ou l’autre point de matière qui semble peu clair. Exemple : « Qu’est-ce qui te fait penser que longueur fois largeur donne la surface du trapèze ? Peux-tu montrer où c’est écrit dans ton cours ou le démontrer à l’aide d’un trapèze ? »

Avantages reconnus par les élèves et les thérapeutes :

    • L’apprenant saisit ce que signifie comprendre par soi-même.
    • Il associe l’espace (manipuler la matière) et le temps (préparer un petit discours puis le prononcer).
    • Quand il essaie d’expliquer d’abord la matière de mémoire, puis à l’aide de références externes[2], il favorise sa compréhension du sujet étudié et il voit où il en est (autoévaluation).
    • Le jeune reconnaît plus facilement ses erreurs et ses réussites comme lui appartenant.
  • Il dédramatise son sentiment d’incompétence. « Je ne pensais pas en savoir autant ! »
  • Cette formulation personnelle orale qu’est l’explicitation promeut la prise de parole par le jeune, la prise de conscience de la valeur de sa parole pour un autre, notamment face à un adulte sur lequel il projette de grandes connaissances ou compétences scolaires. En guidance, après quelques semaines de cette pratique, la majorité des élèves qui ont du mal à s’exprimer ont développé une meilleure expression orale.
  • Normalement, quand il explicite, l’élève se pose des questions, se concentre facilement, se calme, comme c’est souvent le cas lorsqu’il est amené à réfléchir dans un but clair et précis.

Si le jeune se sent bloqué face à une matière ou ne voit plus comment en parler, on n’hésitera pas à lui apporter un soutien plus appuyé, comme une explication ou une autre référence externe (livre, matériel, etc.), après l’avoir reconnu dans sa difficulté. S’il se sent incompétent, il cherchera à éviter cet effort, ce sera notre rôle de le soutenir, lui rappeler qu’il peut se tromper, qu’un mot, une idée, c’est déjà ça.

L’important est la prise de conscience de se sentir agir sur sa pensée, plus que d’avoir juste, même si cela importe également. La peur de se tromper ne favorise pas la liberté de penser, la métacognition positive. Souvenons-nous de la phrase de Descartes « Je pense donc je suis »

La lecture de cet article vous aura peut-être demandé un effort de concentration important, merci de l’avoir lu entièrement. La guidance telle que nous la concevons s’appuie sur des disciplines scientifiques. Nous souhaitons vous livrer une information rigoureuse.

Didier Bronselaer

[1] Processus par lequel une personne prend conscience de ses facultés et activités cognitives. La métacognition est un sujet de recherche en pédagogie depuis plus de 30 ans, les neurosciences s’y intéressent à leur tour.

[2] La notion de référence est utilisée dans le sens proposé par Vandevelde (1982) ; selon la tâche l’élève aura recours à sa mémoire (références internes) ou à des références externes, comme un livre, son cours, une personne, Internet, etc.