
Ce n’est pas une question de politique,
mais de psychopédagogie, de docimologie
Voici la réponse que j’ai donnée à un ami, grand-père, psychologue, ancien directeur de centre P.M.S. et auteur de publications et tests, importants. Il se désespérait de voir son petit-fils se faire mal évaluer, petit-fils qu’il suit sur le plan scolaire, une aide faite d’amour, de respect, de compréhension, comme nous aurions tous aimé l’avoir.
« L’évaluation sommative est une croyance, sa validité n’existe pas, seule existe une croyance d’efficacité purement culturelle, aux grands dépens de la qualité du travail des apprenants, des enseignants, et de la hiérarchie (directeurs, inspecteurs, directeur général de l’enseignement (si si, il y a un général), et même des enseignants des écoles qui les forment (universités incluses) ; vous l’aurez compris, ces usagers professionnels de l’école génèrent une évaluation qui en plus de nuire aux élèves, les pénalise en retour. Pour moi, le but caché plus ou moins conscient ou le vice caché de cette croyance est d’entretenir une culture de discrimination. Les enfants des familles favorisées sur un plan socio-économique ou culturel ont tendance à bénéficier d’un meilleur à priori et surtout d’un filet de sécurité, familial, très attentif, protecteur. C’est la plupart du temps beaucoup moins le cas pour les enfants de familles défavorisées, faute de moyens suffisants (une structure familiale moins protectrice, des moyens financiers insuffisants pour permettre à l’enfant d’allonger sa scolarité, de lui payer une aide extérieure, une méconnaissance de ce qu’offre l’environnement pour aider leur enfant, etc.). Cela creuse la séparation entre les groupes sociaux, aux dépens des plus démunis. Ces enfants, ces familles se trouvent bien seules face aux mauvais conseils des écoles, comme celui de doubler, d’accuser l’enfant d’incompétence (accusation qui affecte aussi les parents), de proposer une réorientation sauvage. »
Autant j’ai entendu les enseignants des universités faire de grands discours sur l’équité sociale, autant ils n’ont pas compris comment changer les sources de discrimination de notre enseignement obligatoire, le pire d’Europe, quand on pense à l’argent investi par tête d’élève, et aux salaires des enseignants, dans les plus élevés d’Europe. Aucun réel changement depuis les années 1950. L’inadéquation des évaluations sommatives (le « bach » également) comme bonne information sur la maîtrise qu’offre un élève d’une matière est connue et prouvée depuis les années 1970 au moins.
L’évaluation sommative constitue en plus, dans notre travail pluri et transdisciplinaire, la 1ère raison de consultation et aussi le pire « polluant » psychologique et pédagogique qui nuit à la qualité de la relation « thérapeutes et apprenants, dont sa famille ».
Une définition
Les examens périodiques (examens externes compris), les interrogations ou contrôles sont des évaluations sommatives. Elles proposent un ensemble de questions, de tâches et attribuent un résultat en chiffres ou en lettres en fonction du nombre de bonnes réponses, « bonnes » selon l’évaluateur. Malheureusement, elles constituent des outils de sélection, de comparaison, et au bout du compte des raisons avancées pour justifier des mises en échec, et des redoublements. Une réponse à un exercice de mathématique peut sembler juste ou fausse, mais de nombreux critères interviennent, voyez ci-dessous !
Ses effets délétères, ses contre-indications (liste non exhaustive)
- Le risque de « rater » s’avère tellement important que la peur d’être stigmatisé, de décevoir, de se voir disqualifié inhibe souvent l’élève.
- Cette évaluation favorise la peur de rater, de mal apprendre et pour finir la peur d’apprendre « tout court ».
- Les contrôles pour des points comportent dans leur construction des éléments responsables de la mise en échec de l’apprenant. L’apprenant rate alors qu’il maîtrisait suffisamment les savoirs ou savoir-faire évalués. Il fallait l’interroger autrement.
- Sa perception de lui, de ses compétences, de sa valeur s’en trouve polluée, déformée avec toutes les conséquences négatives possibles sur son évolution, sur sa maturation.
- Les points ne traduisent pas les efforts fournis par l’élève, donc ils ne les valorisent pas. Et ce ne sont pas les élèves « DYS » qui diront le contraire.
- Il n’existe pas d’évaluation sommative valable et fidèle, c’est-à-dire qu’elle ne mesure pas bien ce pour quoi elle est construite ; deux professeurs vont élaborer deux questionnements dissemblables pour évaluer un même savoir ou savoir-être et les coteront différemment, plus ou moins « sévèrement ». Elle leurre l’adulte sur le savoir de l’enfant qui lui-même s’avère trompé.
- Les évaluations externes n’y changent rien. Dix professeurs de mathématique qui cotent l’épreuve d’un même élève au baccalauréat en France montreront dix résultats différents, allant de l’échec à la réussite de ce jeune. Cela « on » le sait depuis la fin des années 1970, pourtant « on » continue.
- Cela prouve bien qu’il s’agit d’une culture scolaire fondée sur l’élimination et la sélection, indépendamment de la culture et de la compétence de l’étudiant. Cette évaluation, donc la culture sous-jacente, empêche cette bienveillance nécessaire à une éducation scolaire heureuse, positive, constructive de l’apprenant qui suit un enseignement obligatoire.
- Elle constitue (trop) régulièrement une menace utilisée par le professeur. « Si tu ne …, je t’enlève des points, je te mets zéro, etc. ». Que de fois, un enfant ne se sent-il pas victime d’une évaluation injuste, voire mis en échec, car on lui a enlevé des points qui ne concernent pas le sujet de l’interrogation. Le pire est que le plus souvent il ne peut pas se défendre et se verra, et que sa famille lui reprochera le mauvais résultat. Être mis en échec est effrayant, aussi riche en points que soit l’élève.
- Cette évaluation dénature le dialogue élève-enseignant, mais aussi des élèves entre eux, notamment en créant une représentation hiérarchisée de la valeur de chacun basée sur « j’ai plus ou moins de points que tu en as, j’ai plus ou moins de points qu’avant » du coup je vaux plus ou moins que toi. Or, cette relation nuisible est basée sur du faux, tout en générant des affects destructeurs de la représentation positive et constructive que l’enfant développe de lui, et ceci, qu’il capitalise beaucoup ou pas assez de points. Il développe une confusion déshumanisante : « avoir des points et être un apprenant heureux ».
- Saviez-vous que les examens en juin et à Noël n’existent pas ailleurs, ni le CEB ou CE1D, qu’en Belgique ? Si ce type d’évaluation était utile pour les élèves, ça se saurait.
Huit biais connus démontrant l’inadéquation des évaluations sommatives telles qu’on les mène chez nous depuis « toujours » ET évitables grâce à la pédagogie collaborative.
Extraits de « Dieudonné Leclercq, Julien Nicaise, Marc Demeuse, 2013 » Page 5. : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00844778/document
- Tout dépend, non pas des performances particulières de l’élève, dans l’absolu, mais bien de ses performances par rapport à celles de ses condisciples (courbe de Gauss, il y aura toujours des premiers et des derniers). À cela s’ajoute la réputation de l’école (sélection par écrémage).
- L’ordre de correction ( si la copie se trouve au début ou à la fin de la pile de copie, ou si elle s’y situe après une « bonne » ou une « mauvaise » copie).
- L’origine sociale de l’élève ainsi que le genre ou encore l’apparence physique des élèves.
- La réputation du professeur (trop de bonnes notes = laxiste, on ne se dit pas c’est un bon professeur).
- L’effet Posthumus qui consiste à adapter ses notes en fonctions des années précédentes pour garder (inconsciemment ?) les mêmes appréciations des performances.
- L’effet d’inertie qui consiste à regarder les résultats antérieurs des élèves et se baser sur ceux-ci. Les professeurs sont aussi influencés par le début de la copie, si celui-ci semble soigné, les erreurs suivantes se verront moins relevées.
- L’effet de halo, l’évaluateur est influencé (inconsciemment) par des caractéristiques de l’étudiant non liées à sa maîtrise du sujet de l’évaluation, comme son aspect physique, sa présentation vestimentaire, sa prononciation ou son accent, etc.
- L’instabilité du correcteur, mais aussi la différence entre les correcteurs.
Une analogie : les points et l’argent au pays des cauchemars.
Le métier des jeunes de 5 ans à 18 ans s’avère obligatoire et le même pour tous. Le salaire est distribué en points, parfois en lettres. Les points c’est donc l’argent à gagner, plus tu en gagnes, plus tu es mis en valeur. Le point pris comme unité monétaire devient un « plus avoir » sans âme qu’il faut acquérir à tout prix sous peine de se faire arrêter, disqualifier, humilier.
La sentence à éviter : « Tu n’as pas assez de points ! » sous-entendu, « Pauvre de toi ! »
(Cet article est extrait, pp104-112, de l’essai pour une psychologie et une pédagogie, plus heureuses, téléchargeable gratuitement, ci-dessous).
Mais alors, par quoi la remplacer ? Mais par la pédagogie collaborative, validée depuis des décennies ! Voir : https://centredereussitescolaire.be/2021/07/04/si-vous-etes-pour-une-relation-collaborative-harmonieuse-constructive-et-positive-entre-les-usagers-de-lecole-obligatoire-alors-promouvez-la-pedagogie-collaborative/
Et librement sur notre site WEB :
- Évaluation sanction. Stop aux examens sanctions. https://centredereussitescolaire.be/2021/03/31/stop-aux-examens-sanctions-surtout-dans-lenseignement-secondaire/
- Évaluation sanction. On ne demande pas à un élève, encore et encore, ce qu’il ne peut pas donner ! La sanction suit. https://centredereussitescolaire.be/2018/10/11/troisieme-article/
- Évaluation sanction. Le jugement négatif de l’élève en échec, un effet nocif de notre système scolaire. https://centredereussitescolaire.be/2019/07/04/le-jugement-negatif-de-leleve-en-echec-un-effet-nocif-de-notre-systeme-scolaire/
- Évaluation sommative. Après avoir vu cette vidéo, vous verrez l’évaluation sommative, les points, autrement ! Voir : https://vimeo.com/386748742 ou https://centredereussitescolaire.be/2020/01/23/lassommante-evaluation-sommative/
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2 thoughts on “Démonstration qu’aucune amélioration n’est possible pour notre école si nous ne changeons pas la façon d’évaluer les élèves !”
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