Le surmenage scolaire, le comprendre, le soigner

1. Le comprendre

50h de travail scolaire par semaine et se faire maltraiter,
est-ce juste ?

Des élèves victimes d’épuisement qui auraient le droit de revendiquer la semaine des 40 heures, eux qui en font trop souvent plus de 50, weekend inclus. Une cadence infernale à petit bruit.

Une des conséquences d’une forme de profonde fatigue psychologique est de ne plus pouvoir exploiter favorablement ses ressources intellectuelles, sa mémoire de travail, son attention favorablement. Selon le degré d’épuisement de l’élève, ce problème perdurera des semaines, ou des mois. Il ou elle demeurera fragile longtemps.

Nous rencontrons trop souvent des élèves âgés de 6 ans à plus de 20 ans[1] qui affichent les signes d’une fatigue envahissante conséquente à une énorme débauche d’énergie infructueuse dépensée pour répondre aux exigences scolaires. Leurs journées de travail peuvent dépasser régulièrement 10 heures. Rappelons qu’à la journée d’école s’ajoutent les devoirs, les leçons, éventuellement des séances de remédiation, et des activités de loisir. Certains parents interrogent parfois leur enfant dès le petit déjeuner. Leurs semaines pèsent régulièrement plus de 60 heures, n’oublions pas que les weekends sont inclus !

Tous les élèves sont des travailleurs, c’est un métier. Pensons également à ceux qui en parallèle de l’école développent des compétences élevées dans d’autres domaines comme le sport, la musique, l’art dramatique notamment ! Certains de ces jeunes n’ont plus de temps pour eux. Jeunes qui se voient parfois en plus traités de « fainéant », le professeur établissant le raccourci : échec = non-travail! Notre longue expérience nous a appris qu’établir un tel raccourci s’avère une erreur fondamentale.

Ainsi cette adolescente, qui se levait à 6h00 du matin et rentrait à 22h00 après une journée débordant d’exigences à l’école et de son sport, elle s’y situe au top national. Ses parents échaudés par une mauvaise expérience d’un autre de leurs enfants nous ont consultés à la suite de quelques dérapages de leur fille (humeur triste, petits actes manqués, échecs scolaires), grand bien leur prit ! Une action concertée entre la jeune fille, sa famille, l’école, ses entraîneurs, le médecin de famille (il lui fallut immédiatement un congé maladie), des entretiens psychologiques, lui évita les effets parfois dramatiques qu’un tel surmenage peut engendrer. Une autre jeune fille n’eut pas cette chance, son titre de championne du pays (je tais son sport, secret professionnel oblige) fut suivi d’une maladie mentale avec hospitalisation. Le revers de « la médaille » ?

Les jeunes victimes de ce type d’épuisement assument des contraintes plus que de raison depuis très longtemps, un an minimum est nécessaire pour remonter le courant, à condition que leur rythme de vie soit aménagé selon leur propre potentiel.

Il existe de nombreuses analogies avec le burnout chez les adultes, mais les mécanismes sources et le suivi sont différents, de même que la capacité de réaction au problème.

Tous les apprenants surmenés ne sont pas « dys » ; souvenons-nous toutefois que pour résoudre une tâche scolaire, un « dys » travaille 4 fois plus que la majorité de ses condisciples pour un résultat de plus en plus décevant au fur et à mesure des années scolaires. De déprimer de plus en plus, de se penser de moins en moins compétent.

Un cercle vicieux : L’élève travaille beaucoup, les points ne suivent pas, trop souvent il se voit reprocher par les professeurs ses mauvais points comme un manque de travail, parfois les parents ajoutent une couche.


Nous qualifierons plus largement cette forme de surmenage envahissant de dépression scolaire, parce que son mécanisme « d’enfoncement » trouve sa source dans la vie scolaire de l’enfant, même si le problème s’étend à tout l’environnement de ce jeune.

Retenons que l’élève victime d’épuisement scolaire est épuisé et donc qu’il ne peut plus puiser dans ses ressources et d’apprentissage, et physiques, et psychoaffectives. Il ou elle s’est « vidé.e » et a besoin de soin.

Les conditions difficiles actuelles d’enseignement, et d’évaluation dues au confinement, bien sûr, ne changent rien à « la mauvaise affaire ».

Hé oui, arrêter « tout », la 2è réaction, constitue peut-être une bonne défense, même si elle parait plus inquiétante pour les parents, que la 1ère réaction. Suite au prochain numéro, quand les thérapeutes s’avèrent bien utiles !

L’équipe


[1] Les conditions d’enseignement dans lesquelles vivent les milliers d’étudiants en bachelor dans certaines facultés universitaires, en Belgique francophone et les conditions d’évaluation qui leur sont infligées ont atteint un tel niveau d’inhumanité depuis plusieurs années, que nous recevons en consultation de plus en plus d’étudiants démolis psychologiquement et physiquement par cesdites conditions. Il s’agit souvent d’un surmenage sévère. Le parcours classique d’un étudiant en bachelor victime d’épuisement commence par des primaires et secondaires bien réussies, un 1er bachelor partiellement réussi en juin qui l’amène à passer ses vacances à étudier la 2è session, qui sera à son tour réussie en partie. Il se remet au boulot dès la rentrée pour en juin de cette 1ère bis (même si elle est « enrichie » de cours du 2è bachelor), se retrouver à nouveau devant une réussite toujours partielle. À nouveau, il remplit ses vacances de travail pour se retrouver peut-être tout juste en 2è en septembre. À nouveau, il se remet au travail dès la rentrée pour cette fois après un ou deux mois d’efforts, craquer. Il n’aura pas pris de vacances du tout depuis deux ans. Il n’a en fait pas réussi comme il l’espérait. Au bout du rouleau, il se rend compte de l’immense travail encore et toujours à fournir, sans ce sentiment de réussite nécessaire pour imaginer une fin heureuse à ce calvaire.